Lettre à Chorégraphes associé.e.s
Je
tente par ce courriel de ré-ouvrir un dialogue avec vous en tant que
regroupement de représentation professionnelle.
Comme
l'écrit très bien Jean-Louis Sagot-Duvauroux
« Reste
à établir la conversation. Ça ne sera pas facile... »,
Nos
échanges et liens sont rompus et bloqués depuis quelques années.
Vous
n’avez donné aucune suite à nos propositions d'échanges, de
rencontres, ni de mises en perspective depuis 2007.
Vous
n’avez pas répondu aux questionnements sur SystèmeD(anse) depuis
2016.
Vous
comprendrez ce qui motive notre proposition d'une rencontre/fin de
mépris, en prenant connaissance des réponses des artistes à mon
article « Pensez-vous ! »:
Il
me semble qu'il est effectivement nécessaire d'agir et largement le
temps de relever le nez de nos guidons respectifs ! Bien sur le
boulot est... énorme... c'est ce qui nous tétanise sans
doute...mais attendre encore sans rien faire c'est comme voir arriver
un "tsunami" en mettant les mains devant le visage... Nous
tentons toutes et tous de sauver nos initiatives... mais s'il on
regarde ce qui se prépare (pour ne pas dire ce qui est déjà),
c'est peine perdue !...
Tu
as raison sur le fait qu’il faut collectivement réfléchir,
proposer d’autres modes de fonctionnement ou secouer le cocotier
réactionnaire actuel... Pour revenir sur nous
tous, j’ai personnellement beaucoup de mal à engager une
quelconque réflexion à distance, par mail, parfois avec de délais
de réponse impossible à tenir. J’ai le sentiment qu’il faut
qu’on se voit, physiquement, qu’on se « sente » le
cul en somme, pour pouvoir ensuite être en capacité de réagir
ensemble. Je sais bien que c’est compliqué...
Se
réunir, échanger, écouter, entendre et ressentir, refaire le
monde, c’est notre histoire et ça jamais rien ni personne ne
pourra le réformer. FAIRE : il le faut, tout le temps et en toute
occasion.
D'habitude
on se mobilise parce qu'il se passe quelque chose d'inacceptable dans
la danse (le landerneau chorégrafric). Là, on a envie de bouger
parce que précisément il ne se passe rien du tout et que cette
apathie dévoile la promiscuité entre les artistes de la danse,
investis et subventionnés et les plus détestables institutions de
confiscation et de préservation du pouvoir.
Parce
qu'il semble criant que la crise actuelle Gilets Jaunes VS Urgence
climatique VS Violence policière d'état, appelle justement à plus
de culture, plus de culture accessible à tous, plus de culture pour
tous, plus de TOUS,
La
culture EST une réponse, la culture DOIT répondre, l'ART, en fait,
doit se mettre au travail pour mettre en CULTURE le nouveau qui
s'enfante dans une violence inouïe.
Cette
crise a besoin d'InteLLigence, de coMMunication, de dialogues,
d'échanges, les artistes, les acteurs culturels ne peuvent pas faire
l'autruche.
Qu'est
ce que Nous, (nous artistes danseurs, mouvers, inventeurs, rêveurs,
cigales) pouvons faire, comment prendre la parole ?
Mais
j’aimerai savoir qui fait quoi parmi nous tous qui aille dans le
sens de ton discours ? Quelles modalités sont mises en place dans
nos travaux respectifs qui oeuvrent à cette démocratie ou à cette
volonté de changement ? Cet état des lieux interne peut aussi être
révélateur des énergies de chacun ou des belles paroles sans actes
d’autres…
Prendre
des nouvelles des uns des autres, découvrir les contributions (trop
rares), comme les nouvelles de la planète institutionnelle dans sa
quête affolée de perdre le morceau, me signale que l’invention
d’un isolat (comme seule révolte, la nôtre) ne va pas nous
déplacer de cette lisière dépressive, qu’il faut qu’il se
passe quelque chose.
Notre
culture est faite de doutes et de critiques, on ne doit pas perdre
cela, c’est là sa portée morale et esthétique.
Je
partage avec ceux qui l’expriment mes doutes, une fatigue à
déplacer des montagnes dans un environnement maltraitant. Les
logiques entrepreneuriales dans l’univers des Dominants Dominés
représentées dans notre milieu par le couple artistes et
professionnels de la profession qui ravagent la création, les
devenirs, piétinent l’avenir.
Des
travaux, des rencontres, les échanges des AC, un travail conséquent
a été réalisé. On peut poursuivre encore. Je me demande contre
qui se révolter quand ceux qui ont le pouvoir l’argent sont à ce
point corrompus. Des lignes encore... La société est en mouvement,
même si le dialogue peine à se faire.
Et
nous ? Il nous faut revenir mais par d’autres moyens.
Sommes
nous en panne, on le dirait !
Faut
il organiser un séminaire sur la fatigue ?
Le
capitalisme épuise les hommes. La mauvaise fatigue qui n’est pas
la paresse s’exprime partout comme chez les acteurs
chorégraphiques. Elle ne vient pas de face, elle vient par derrière,
d’en dessous, elle nous fait plier. Le burn out résulte d’un
excès d’engagement... Nous avons souvent évoqué le surdosage
dans nos activités, les services rendus sans compensation, sans
attention, relire les textes des rencontres AC. Quand on obtient de
la gratitude on peut reconnaître le monde dans lequel on est. Quand
on se donne, on doit obtenir de la gratitude. Cette lassitude qui
s’exprime (ou pas) ressemble à un symptôme. Cette fatigue nous
apprend peut être le courage, l’humilité.
Il
s’agit peut être aussi d’un suspens. (suspension)
Pourquoi
finir ce qui vient de débuter, creusons le travail poétique et
politique de la danse, continuons à ne pas être respectable,
rappelons nous les fondateurs étaient rebelles.
Nous
ne sommes pas rattachés à une idéologie, pas de regret. Dans la
révolte il y a des forces souterraines. Créons des bifurcations,
des moments de calme de rêverie de silence dans nos vies. Les elfes,
les lutins et les dieux sont infatigables contrairement aux humains,
les animaux ne s’épuisent pas.
…
De
toute les façons il faut se rassembler, faire ensemble pour conjurer
une fin possible, la fin d’une histoire, une fin de partie.
Voilà,
c’est ce qui émane actuellement de la pensée des nombreux acteurs
chorégraphiques qui contribuent à AC.
Si
le ton de mes courriers, articles et publications, trop direct et peu
enclin à la révérence, ne convient pas à votre idée de la
bienséance, cela ne justifie pas votre mépris pour notre
regroupement (AC-PACA,
M.A.C.),
qui travaille sur des questions essentielles de survie de la danse
depuis 2007.
Vous
savez, comme nous tous que le débat démocratique fait avancer la
réflexion et la pensée commune. La pensée critique sur le sujet
est en crise comme l’est la représentativité des institutions.
Pourtant nous nous devons d'avancer dans l‘idée de la
démocratisation culturelle ! Nous aurions été heureux de
recevoir vos critiques à l’endroit de nos réflexions, pour
ouvrir un débat constructif.
Est-il
utile de rappeler la fin de non recevoir des membres du comité de
SystèmeD(anse) ? Dont vous faites partie, sur les questions
justifiées et argumentées que nous posions en 2016, alors même que
certain.e.s ont pourtant osé produire des courriers appelant à une
ouverture et des échanges (HélèneJoly
et
EmmanuelleVo-Dinh).
Appeler
à des échanges, mais ne pas répondre aux questions et critiques, à
quoi ça rime ?
Avons-nous
intérêt les uns les autres à rester sur nos susceptibilités
respectives plutôt qu'à minima, faire avancer des propositions
concrètes d'un nombre plus conséquent d'acteurs chorégraphiques ?
Toutes
les analyses et propositions seront les bienvenues pour enfin
imaginer et proposer de nouvelles politiques culturelles plus
démocratiques et représentatives.
N'avons-nous
pas avantages et bénéfices d'agir en liens (au moins) par respect
des diversités et des axes de chacun.
Il
n’y a pas une seule voix, mais des voix !
C'est
cela une vraie démocratie !
Je
n'ose pas vous rappeler que notre monde est bouleversé, en danger et
qu'il va falloir agir vite pour ne pas disparaître, que les corps en
mouvements sont des vecteurs et des outils pour un meilleur être
ensemble !
Je
vous propose d’avoir une discussion sur le fond et pas sur les
formes (le ton, le style, l’humour compris ou pas). Non pas lors
d'une de vos rencontres programmées mais dans un rendez-vous pris
par nos 2 organes, une réunion en face à face, en mode « privé »
pour ne pas vous compromettre avec AC.
Par
ailleurs, et pour être tout à fait limpide et franc avec vous, de
notre côté nous avons toujours relayé votre structure,
informations et actualités sur nos différents sites (depuis la
fermeture de ladanse.com
et
ladanse.eu
uniquement
sur le blog La
tournée des POPOTES).
Ce
n'est malheureusement pas votre cas, ce qui n’est pas très
fair-play.
Pourtant
nous avons au moins par 2 fois proposé et mis à disposition des
documents et réflexions sur des sujets que vous aviez initié.
Pour
rappel :
>
Quellepolitique culturelle aujourd’hui ?
en
contribution à une rencontre du syndicat Chorégraphes Associés au
CDC Pacifique à Grenoble – 2009
Nous
comprenons les intérêts particuliers de chacun.e,
Les
intérêts des structures chorégraphiques les mieux dotées : ACCN,
ACDCN, scènes nationales et conventionnées... D’une part.
Et
les intérêts de votre syndicat, et de chaque regroupement qui ont
en commun à minima de réfléchir sur des axes, des actes, des
suggestions et des analyses pour l'art chorégraphique.
Ce
sont des intérêts bien différents et différentiés pour
chacun.e de nous, nous continuons à penser la danse et la culture
pour tous dans ses dynamiques inclusives ! Prônez-vous,
fonctionnez-vous donc à l'exclusion !
Dans
l’attente de votre réponse, individuelle ou mutuelle,
Cordialement
Philippe
Madala – 14 février 2019
Réponse
du 15 février 2019
Bonjour
Philippe
Nous
avons bien reçu le message demandant plus d'échanges entre nos deux
structures.
Aussi,
nous te proposons de rencontrer X, qui est au conseil
d'administration de Chorégraphes Associé.e.s, et qui est
prêt à venir à Marseille, à moins que tu ne viennes sur Paris.
Je
mets X en copie pour que vous puissiez vous organiser ensemble.
En
vous souhaitant une bonne rencontre, qui j'espère, débouchera sur
du positif.
A
bientôt.